Miossec : « Un album sur la région ? C'est très tentant »

Miossec, c'est un peu comme une branche : il plie parfois mais ne rompt pas. En rémission après un cancer des cordes vocales, le plus Brestois des artistes signe son grand retour. Avant de prendre la route des festivals, Miossec s'est confié à Sortir sur sa Bretagne et ses souvenirs.

Sortir : Depuis novembre dernier, une réédition de 1964 est disponible. Dans cet album figure une déclaration d'amour à votre ville d'origine, Brest…
Miossec : Oui mais je ne sais pas vraiment dire si c'est une déclaration d'amour (rires). L'idée de cette chanson vient d'une critique d'un journal local, qui disait qu'on me voyait plus très souvent sur le pont de Recouvrance (à cette époque, il habitait à Bruxelles, NDLR). Pour moi, c'était totalement absurde parce que les Brestois sont des voyageurs. C'est la marine nationale, c'est l'arsenal... même dans ma famille, on a toujours été dans les colonies. Le Brestois revient souvent à la fin de sa vie sur Brest, mais c'est un voyageur.

Sortir : Quels souvenirs avez-vous de votre jeunesse en Bretagne ?
Miossec : C'est une jeunesse brestoise, pas bretonne... c'est une jeunesse citadine, quoi. Ma mère venait de la campagne à côté de Brest, à Folgoët. Ce n'est pas très loin mais ce n'était pas vraiment en terre bretonne. Mon père était Brestois depuis plusieurs générations, donc on n'a pas eu une éducation à la bretonne. Ma mère, comme tous les femmes qui quittent la campagne à cette époque, ne parlait plus le breton, elle a oublié sa langue.

Sortir : Un album sur la région, comme avait pu le faire Nolwenn Leroy, est-ce possible ?
Miossec : C'est très tentant mais comment bien le faire ? Mais j'ai plusieurs idées. Il y a quelques semaines, on a joué au Trianon et Brieg Guerveno faisait notre première partie. C'était drôle, enfin... les gens ont été très réceptifs alors qu'il chante en breton.

Sortir : De votre côté, parlez-vous le breton ?
Miossec : Non. Il y a eu toute une génération après-guerre où la famille n'apprenait pas le breton à leurs enfants. D'ailleurs, il y a un très bon bouquin de Rozenn Milin (La honte et le châtiment : l'imposition du français : Bretagne, France, Afrique et autres territoires), qui parle de suicide linguistique. Ma mère, en venant à la ville, n'a pas voulu que ses enfants parlent le breton. Parce qu'il fallait réussir dans la vie et ce n'était pas avec cette langue qu'on réussissait. C'est une génération sacrifiée, une sorte de génocide culturel. Les instituteurs donnaient des punitions corporelles pour ceux qui parlaient en breton dans les écoles, donc c'était très violent. Je suis vraiment pour cette langue mais malheureusement, je ne parle pas le breton. Et ça serait un peu ridicule d'apprendre à mon âge... (rires).

Sortir : Dans quelques mois, la tournée fera escale à Plouguerneau, Crozon, Penmarch ou Brest. Est-ce une pression supplémentaire de jouer chez soi ?
Miossec : Ah oui, parce qu'il n'y a rien d'innocent. C'est-à-dire que je peux jouer devant mes voisins et ça ne pardonne pas (rires). Quand je joue dans les quatre coins de la France, je ne recroise pas le public dans le cours de l'année. Alors que là... le ridicule peut abîmer (rires).

Sortir : Avez-vous un souvenir particulier sur une scène bretonne ?
Miossec : Oh oui, c'était au festival du Bout du Monde. Toute la foule entière qui reprend la chanson Brest, ça laisse des marques.

Sortir : Aujourd'hui, quel lien avez-vous avec la région ?
Miossec : J'y suis au quotidien. Je ne suis pas un Breton de Paris mais bien un Breton de Bretagne. Et du Finistère Nord, c'est pire encore (rires).

Sortir : Quels clichés ou idées reçues vous agacent sur votre région ?
Miossec : Ce sont les touristes, qui se sentent dans l'obligatoire de mettre les tenues traditionnelles pour être dans le folklore. Ils ne se rendent pas compte qu'ils sont ridicules. Ou les gens qui adorent la Bretagne mais qui m'ont jamais été plus loin que Vannes ou Saint-Malo.

Sortir : Une spécialité à conseiller pour les touristes ?
Miossec : Toutes les recettes qui sont à base de farine de sarrasin. Au-delà des galettes, il y a des grands gastronomes qui réintroduisent cette farine noire dans les plats.

Sortir : Une adresse secrète qui mérite d'être connue ?
Miossec : En première adresse, je peux conseiller le restaurant Les Yeux dans L'Eau (Crozon)... parce que c'est Fret (le restaurant se trouve sur le quai du Fret, NDLR). Il y a aussi l'Auberge du Menez, à Saint-Rivoal. Là-bas, c'est vraiment excellent et les restaurateurs travaillent avec des produits du coin. Ce sont de vrais militants de la nourriture, c'est politque.

Sortir : La nourriture est politique ?
Miossec : Oui, ce n'est pas innocent de ne manger que des produits qui viennent des fermes aux alentour. Les aliments ne traversent pas le monde entier avant d'arriver dans votre assiette.

Publié le lundi 30 juin 2025 par Morgane Morel
À la rentrée, l'artiste retrouve son public pour de nombreuses dates. Le 4 octobre, il passera à L'Armorica (Plouguerneau), le 17 octobre au domaine Le Mezo (Ploeren) mais aussi le 18 décembre au Vauban (Brest)

Découvrir d'autres articles

Découvrir d'autres évènements